IPAD et disruption


Accordez-moi quelques minutes. J'ai compris, enfin je l'espère, le pourquoi.

Pourquoi le livre numérique enrichi ne séduit pas, pourquoi on le snobe, le rejette.

Je n'aime pas l'analogie mais c'est le seul moyen dont je dispose pour tenter d’expliquer la chose.

Outre le qualificatif d’enrichi, on accole aussi aux ouvrages de ce type le terme : disruptif. Disruptif comme l’est Apple avec son iPad, avec iBooks Author (aux US car en FR c’est une autre paire de manches).

Cette disruption n’est pas un phénomène nouveau. Un exemple ? Les ignudi de la voûte de la Chapelle Sixtine. Leur nudité, leur taille, bouleversant la composition, leur incongruité dans les épisodes bibliques, leur autonomie, tout concoure au rejet, au sacrilège, encore aujourd’hui. Plus encore ils perturbent une lecture linéaire des figurations de Noé, de Dieu, de la Création etc..

Pourtant quelle réussite, enlevez-les et leur rôle prépondérant dans l’harmonie de l’œuvre saute aux yeux. Sans eux il existe comme un vide et on le sait la nature a horreur du vide. Sans eux on replonge dans une écriture classique de l’ Ancien Testament, de la Torah (là le filtre culturel entre en jeu).

Est sacrilège, dans le même ordre d’idée, le livre enrichi. Il ne correspond pas aux codes de l’homothétie, du papier, de la lecture (je laisse de côté l’écriture à dessein). Il bouleverse toute considération littéraire. La littérature a-t-elle besoin des images, des sons pour exprimer un message, un univers ? Non, oui, le débat dure depuis des siècles, il n’est pas clos.

Aux pieds du Dôme de Florence vous n’êtes plus en lecture, vous êtes aussi en écoute, du motet de G. Dufay pour sa consécration, en visualisation de l’œuvre (Guides MAF, LDV Voyages en Toscane). Supprimer cette écoute, et le vide s’installe, supprimer la vidéo des inondations de 1966 et l’Arno perd sa dimension dramatique pourtant signalée par LDV et tous ses contemporains.

Si personne n’a encore osé donner un nom à ce truc badigeonné sur le plafond de la chapelle vaticane, personne encore n’ose qualifier de livre, un point c’est tout, le livre enrichi. Il est même, c’est dire le malaise, inclassable dans un segment. iTunes, piégée, en est réduit à créer une catégorie spécifique et fourretout, et je ne vous parle pas du classement des Guides MAF chez les libraires.

La disruption dérange, déroute, nous fait nous interroger sur la force du texte, sur le pourquoi d’une autre approche. On devrait s’en réjouir, mais non c’est le contraire.

Putain d’ignudi.

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