Slow Life / Slow Art
Slow Life / Slow Art, des concepts, des termes un peu vagues, un peu fumeux pour certains ?
En temps de confinement, de privation de liberté pour causes d’impuissance et incompétences de nos gouvernants nous sommes, pour certains d’entre nous, en interrogation.
Bien présomptueux celui sachant quel avenir nous allons pouvoir vivre. Si la Slow Life devient un fil rouge, comment y parvenir ? Pour le Slow Art on verra un peu plus tard.
Démunis, pour y voir un peu plus clair, se faire une idée de la chose, une solution s’impose : retour aux textes.
Non pas ceux des anciens (Platon, l’Ecclésiaste et Montaigne), ni ceux de l’Inde ou de l’Asie, inconnus pour ma part, mais ceux des modernes ou de nos contemporains. Manifestes précurseurs et fondateurs, il suffit pour en comprendre l’essence de faire confiance à notre (votre) esprit critique, notre (votre) jugeote capables de se hisser au niveau de prétendus spécialistes du lâcher prise, du bien être, des analyses convenues sur les maux de nos siècles.
Dans son manifeste du Slow Food, Carlo Petrini, un journaliste gastronomique Italien, et son association dessinent entre les lignes d’un Manifeste rédigé en 1989 les abus et les errances de la vie moderne de la Fast Life, de la vitesse. Cette dernière, revendiquée au nom de la modernité, apparaît sous la plume Filippo Tommaso Marinetti, Italien lui aussi, dans les Manifestes du Futurisme, de la Vitesse, 80 ans plutôt.
Ordre chronologique oblige, voyons d’abord en quoi la lenteur horripile Marinetti :
Manifeste du Futurisme
(publié dans Le Figaro le 20 février 1909)
1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité.
2. Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l'audace et la révolte.
3. La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing.
4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle: la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux, tels des serpents à l'haleine explosive... une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace.
5. Nous voulons chanter l'homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite.
6. Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux.
7. Il n'y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d'œuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues, pour les sommer de se coucher devant l'homme.
8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles!...À quoi bon regarder derrière nous, du moment qu'il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l'Impossible? Le Temps et l'Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l'absolu, puisque nous avons déjà créé l'éternelle vitesse omniprésente.
9. Nous voulons glorifier la guerre -seule hygiène du monde-, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme.
10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.
11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes, électriques; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées; les ponts aux bonds de gymnastes lancés, sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés; les paquebots aventureux flairant l'horizon; les locomotives au grand poitrail qui piaffent sur les rails, tels d'énormes chevaux d'acier bridés de longs tuyaux et le vol glissant des aéroplanes, dont l'hélice a des claquements de drapeaux et des applaudissements de foule enthousiaste.
C'est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd'hui le Futurisme, parce que nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires.
L'Italie a été trop longtemps le marché des brocanteurs qui fournissaient au monde le mobilier de nos ancêtres, sans cesse renouvelé et soigneusement mitraillé pour simuler le travail des larets vénérables. Nous voulons débarrasser l'Italie des musées innombrables qui la couvrent d'innombrables cimetières.
Musées, cimetières !... Identiques vraiment dans leur sinistre coudoiement de corps qui ne se connaissent pas. Dortoirs publics où l'on dort à jamais côte à côte avec des êtres haïs ou inconnus. Férocité réciproque des peintres et des sculpteurs s'entre-tuant à coups de lignes et de couleurs dans le même musée. Qu'on y fasse une visite chaque année comme on va voir ses morts une fois par an !... Nous pouvons bien l'admettre !... Qu'on dépose même des fleurs une fois par an aux pieds de la Joconde, nous le concevons !... Mais que l'on aille promener quotidiennement dans les musées nos tristesses, nos courages fragiles et notre inquiétude, nous ne l'admettons pas !...
Admirer un vieux tableau, c'est verser notre sensibilité dans une urne funéraire au lieu de la lancer en avant par jets violents de création et d'action. Voulez-vous donc gâcher ainsi vos meilleures forces dans une admiration inutile du passé, dont vous sortez forcément épuisés, amoindris, piétinés ?
En vérité, la fréquentation quotidienne des musées, des bibliothèques et des académies (ces cimetières d'efforts perdus, ces calvaires de rêves crucifiés, ces registres d'élans brisés !...) est pour les artistes ce qu'est la tutelle prolongée des parents pour des jeunes gens intelligents, ivres de leur talent et de leur volonté ambitieuse.
Pour des moribonds, des invalides et des prisonniers, passe encore. C'est peut-être un baume à leurs blessures, que l'admirable passé, du moment que l'avenir leur est interdit... Mais nous n'en voulons pas, nous, les jeunes, les forts et les vivants futuristes !
Viennent donc les bons incendiaires aux doigts carbonisés !... Les voici ! Les voici!... Et boutez donc le feu aux rayons des bibliothèques ! Détournez le cours des canaux pour inonder les caveaux des musées !... Oh ! qu'elles nagent à la dérive, les toiles glorieuses ! À vous les pioches et les marteaux !... sapez les fondements des villes vénérables.
Les plus âgés d'entre nous ont trente ans : nous avons donc au moins dix ans pour accomplir notre tâche. Quand nous aurons quarante ans, que plus jeunes et plus vaillants que nous veuillent, bien nous jeter au panier comme des manuscrits inutiles !...
Ils viendront contre nous de très loin, de partout, en bondissant sur la cadence légère de leurs premiers poèmes, griffant l'air de leurs doigts crochus, et humant, aux portes des académies, la bonne odeur de nos esprits pourrissants déjà promis aux catacombes des bibliothèques.
Mais nous ne serons pas là. Ils nous trouveront enfin, par une nuit d'hiver, en pleine campagne, sous un triste hangar pianoté par la pluie monotone, accroupis près de nos aéroplanes trépidants, en train de chauffer nos mains sur le misérable feu que feront nos livres d'aujourd'hui flambant gaiement sous le vol étincelant de leurs images.
Ils s'ameuteront autour de nous, haletants d'angoisse et de dépit, et, tous, exaspérés par notre fier courage infatigable, s'élanceront pour nous tuer, avec d'autant plus de haine que leur cœur sera ivre d'amour et d'admiration pour nous. Et la forte et la saine Injustice éclatera radieusement dans leurs yeux. Car l'art ne peut être que violence, cruauté et injustice.
Les plus âgés d'entre nous n'ont pas encore trente ans, et pourtant nous avons déjà gaspillé des trésors, des trésors de force, d'amour, de courage et d'âpre volonté, à la hâte, en délire, sans compter, à tour de bras, à perdre haleine.
Regardez-nous ! Nous ne sommes pas essoufflés... Notre cœur n'a pas la moindre fatigue! Car il s'est nourri de feu, de haine et de vitesse ! Cela vous étonne? C'est que vous ne vous souvenez même pas d'avoir vécu !
-Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles !
Vos objections ? Assez ! assez ! Je les connais ! C'est entendu ! Nous savons bien ce que notre belle et fausse intelligence nous affirme.
- Nous ne sommes, dit-elle, que le résumé et le prolongement de nos ancêtres.
-Peut-être ! soit !... Qu'importe ?... Mais nous ne voulons pas entendre ! Gardez-vous de répéter ces mots infâmes ! Levez plutôt la tête !
Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi insolent aux étoiles!
Par F.-T. Marinetti.
La Nouvelle Religion - Morale de la Vitesse.
Nouveau Manifeste publié dans le premier numéro du journal l’Italie futuriste , le 11 mars 1916.
Dans le premier manifeste (20 février 1909), je déclarai : la magnificence du monde s’est accrue d’une belle nouveauté, la beauté de la vitesse. Après l’art dynamique, la nouvelle religion morale de la vitesse naît dans cette année futuriste de notre grande guerre libératrice. La morale chrétienne a servi à développer la vie intérieure de l’homme. Elle n’a plus de raison d’exister aujourd’hui, puisqu’il s’est débarrassé de tout le divin.
La morale chrétienne délivre la structure physiologique de l’homme des excès de la sensualité. Elle modère
ses instincts et les équilibre. La morale futuriste défendra l’homme de la décomposition provoquée par la lenteur du souvenir, de l’analyse, du repos et de l’habitude. L’énergie humaine centuplée par la vitesse dominera le Temps et l’Espace.
L’homme commence par mépriser le rythme isochrone et cadencé des grands fleuves, identique au rythme du passé propre. L’homme envie le rythme des torrents semblable à celui d’un galop de cheval. L’homme dompte les chevaux, les éléphants, les chameaux pour manifester son autorité divine par le moyen d’un accroissement de la vitesse. Faisant alliance avec les animaux plus dociles, il enchaîne les animaux rebelles, et se nourrit des animaux comestibles. L’homme dérobe à l’espace l’électricité et les carburants, pour créer de nouveaux alliés, les moteurs. L’homme contraint les métaux vaincus et rendus flexibles grâce au feu, à s’allier avec les carburants et l’électricité. Il forme ainsi une armée d’esclaves, hostiles et dangereux, mais suffisamment domestiquées, qui le transportent rapidement sur les courbes de la terre.
Sentiers tortueux, routes qui suivent l’indolence des fleuves et qui tournent le long des dos et des ventres inégaux des montagnes, voici les lois de la terre. Jamais de ligne droite, toujours des arabesques et des zig zags. La vitesse donne finalement à la vie humaine un des caractères de la divinité : la ligne droite.
Le Danube opaque, sous sa soutane de fange, plonge son regard sur sa vie interne pleine de poissons gras, libidineux et féconds, passe en gargouillant entre les hautes rives implacables de ses montagnes comme dans l’immense corridor central de la terre, couvent ouvert aux roues rapides des constellations. Jusqu’à quand ce fleuve pédant permettra-t-il qu’une automobile le dépasse à toute vitesse, avec son aboiement de fox-terrier fou ? J’espère voir bientôt le Danube courir en ligne droite à trois cents kilomètre à l’heure.
Il faut persécuter, frustrer, torturer de toutes les façons ceux qui pèchent contre la vitesse.
Grave culpabilité de la cité passéiste où le soleil s’arrête, s’attarde et ne se meut plus. Qui peut croire que le soleil se retirera ce soir ? Eh donc ! Impossible ! Il est domicilié ici; places, étendues de feu stagnant.
Routes, fleuves de feu paresseux. Rien n’y passe, pour l’instant, rien n’en sort. Inondation du soleil. Il nous faudrait une barque frigorifique ou un scaphandre de glace pour traverser ce feu. Se cacher. Despotisme, répression policière de la lumière, qui incarcère les couleurs révoltées de la fraîcheur et de la vitesse. État de siège solaire. Gare au corps qui sort de la maison. Un coup de massue sur la tête. Mort. Guillotine solaire au dessus de toutes les portes. Gare à la pensée qui sort du crâne. 2, 3, 4, notes de plomb qui tombent ducampanile-ruine. A la maison, dans la chaleur accablante, rage des mouches nostalgiques, étirements des cuisses et souvenirs suants.
Lenteur coupable des foules dominicales et des lagunes vénitiennes.
La vitesse (réalisant) la synthèse intuitive de toute la force en mouvement est naturellement pure. L’analyse rationnelle de toutes les fatigues en repos est naturellement immonde. Après la destruction de l’antique Bien, et de l’antique Mal, nous créons un nouveau Bien : la vitesse, et un nouveau Mal : la lenteur.
Vitesse = synthèse de tous les courages en action. Agressive et guerrière .
Lenteur= analyse de toutes les prudences stagnantes. Passive et pacifiste.
Vitesse= dépassement des obstacles, désir de neuf et d’inexploré. Modernité, hygiène.
Lenteur= arrêt, extase, adoration immobile des obstacles, nostalgie du déjà vu, idéalisation de la fatigue, et du repos, pessimisme à propos de l’inexploré. Romantisme rance du poète-voyageur et sauvage, et du philosophe chevelu, à lunettes et sale.
Si prier veut dire communiquer avec la divinité, courir à grande vitesse est une prière. Sainteté de la roue et de l’ornière. Il faut s’agenouiller devant la vitesse tournante d’une boussole gyroscopique : vint mille tours à la minute, vitesse mécanique maximale atteinte par l’homme. Il faut ravir aux astres le secret de leur vitesse stupéfiante, incompréhensible. Nous participerons donc à la grande bataille céleste, nous affronterons les astres boulets lancés par des canons invisibles; nous rivaliserons avec l’étoile 1830 Groombridge, qui vole à 241 kilomètres à la seconde, avec Arturo qui vole à 413 kilomètres à la seconde. Invisibles artilleries mathématiques. Guerres en quoi les astres, devenant en un instant projectiles et artillerie, luttent de vitesse pour échapper à un astre plus grand ou pour frapper un plus petit. Nos saints sont les innombrables corpuscules qui pénètrent dans notre atmosphère à une vitesse moyenne de 42000 kilomètres à la seconde.
Nos saintes sont la lumière et les ondes électromagnétiques. 3 x 1010 mètres à la seconde.
L’ivresse de la grande vitesse en automobile n’est pas que la joie de se sentir fusionner avec l’unique divinité. Les sportsmen sont les premiers catéchumènes de cette religion. Prochaine destruction des maisons et des villes, pour former des grandes réunions d’automobiles et d’aéroplanes.
Lieux habités par le divin : les trains , les wagons-restaurants (manger en vitesse). Les stations ferroviaires ; spécialement celles de l’Ouest américain, où les trains lancés à cent à l’heure passent, avalant sans s’arrêter l’eau dont ils ont besoin, et les sacs postaux. Les ponts et les tunnels. La place de l’opéra de Paris. Le Stand de Londres. Les circuits automobiles. Les films cinématographiques. Les stations radiotélégraphes. Les grandes conduites qui précipitent des colonnes d’eau alpestre pour arracher à l’atmosphère l’électricité motrice. Les grands couturiers parisiens qui grâce à l’invention rapide des modes, créent la passion de la nouveauté et la haine du déjà vu. La cité la plus moderne et active comme Milan qui selon les Américains a le punch ( coup net et précis, avec lequel le boxeur met son adversaire knock-out).
Les champs de bataille, les mitrailleuses, les fusils, les canons, les projectiles sont divins. Les mines et les contre-mines rapides. Faire sauter l'ennemi AVANT que l’ennemi ne vous fasse sauter. Les moteurs à explosion et les pneumatiques d’une automobile sont divins. Les bicyclettes et les motocyclettes sont divines. L’essence est divine. Extase religieuse qu’inspire le cent chevaux. Joie de passer de la troisième à la quatrième vitesse. Joie d’appuyer sur l’accélérateur. Pédale ronflante de la musicale vitesse. Dégoût qu’inspire les personnes engluées dans le sommeil. Répugnance que j’éprouve à me coucher le soir. Je prie chaque soir mon ampoule électrique, parce qu’une vitesse s’y agite furieusement .
L’héroïsme est une vitesse qui s’est rattrapée elle -même, parcourant le plus vaste des circuits.
Le patriotisme est la vitesse directe d’une nation : la guerre est l’essai d’une armée, moteur central d’une nation.
Une grande vitesse d’automobile et d’aéroplane permet d’embrasser et de confronter rapidement divers points éloignés de la terre, c’est-à-dire de faire mécaniquement le travail de l’analogie. Qui voyage beaucoup acquiert mécaniquement de l’intelligence, rapproche les choses distantes en les regardant synthétiquement et en comparant l’une avec l’autre, et ne dévoile pas sa sympathie profonde. Une grande vitesse est une reproduction artificielle de l’intuition analogique de l’artiste.
Omniprésence de l’imagination sans fil = vitesse.
Génie créateur = vitesse.
Vitesse active et vitesse passive. Vitesse dirigeante (chauffeur) et vitesse dirigée (automobile). Vitesse modelante (écrivante, sculptante) et vitesse modelée (écrite, sculptée). Vitesse portée par différentes vitesses (train poussé et tiré par deux locomotives en tête et en queue) et vitesse portant différentes vitesses (transatlantique qui porte plusieurs moteurs de différentes vitesses + différents hommes en mouvement : marins , mécaniciens, passagers, caméristes, cuisiniers, nageurs dans l’eau agitée des bassins + l’eau agitée par les nageurs = les multiples chiens courant et aboyant + nombreuses puces qui sautent + vitesse potentielle de nombreux chevaux de course.
Autre exemple de vitesse portant différentes vitesses : l’automobile portant le chauffeur + vitesse de sa pensée qui fait la seconde étape ou tout ce qui reste à faire, pendant que l’automobile fait matériellement la pensée la première étape. Le chauffeur éprouve en fait à l’arrivée la nouveauté du déjà vu.
Notre vie doit toujours être une vitesse portante : vitesse de la pensée + vitesse du corps+ vitesse du plancher qui porte le corps + vitesse de l’élément ( l’eau ou l’air) qui porte le plancher (bateau ou aéroplane).
Détacher la pensée de la route mentale pour la poser sur cette matière. Comme un crayon : laisser sur le papier de la route des odeurs (éparpillement corporel), des pensées (éparpillement spirituel) = accroissement de la vitesse. La vitesse détruit la loi de la gravité, rend subjectives et donc esclaves les valeurs du temps et de l’espace. Les kilomètres et les heures ne sont pas égales, mais varient pour l’homme rapide, en longueur et en durée.
Imitons le train et l’automobile qui imposent à tout ce qui existe au long de la route de courir avec une vitesse identique en sens inverse, et éveille dans tout ce qui existe le long de la route l’esprit de contradiction, qui est la vie. La vitesse du train contraint le paysage traversé à se partager en deux paysages tournant en sens inverse de sa direction . Chaque train ouvre avec soi la partie nostalgique de l’âme de celui qui le voit passer. Les choses un peu lointaines, les arbres, les bosquets, les collines, les montagnes regardent avec quelque épouvante s’élancer des choses en sens inverse du train, puis se décident à les suivre du regard, mais à contre coeur, et plus lentement. Chaque corps dans sa vitesse se balance de droite à gauche et tend à devenir un pendule.
Courir Courir Courir Voler Voler. Danger Danger Danger Danger à droite et à gauche en haut en bas à l’intérieur dehors flairer respirer boire la mort. Révolution militarisée des engrenages. Lyrisme précis, concis. Splendeur géométrique. Pour jouir plus fraîchement et plus vite que dans les fleurs et la mer, vous devez voler dans le contre -courant très frais du vent à toute vitesse. Quand j’ai volé pour la première fois avec l’aviateur Bielovucic, j’ai senti ma poitrine s’ouvrir comme une grande bouche à tout l’azur du ciel s’engouffrant délicieusement lisse, frais et torrentiel. A la sensualité lente et délayée des passagers dans le soleil et les fleurs, vous devez préférer le massage féroce et colorant du vent impatient. Légèreté croissante ; sens infini de la volupté. Descendez de la machine avec un saut très léger et élastique. vous a avez ôté un poids de votre dos. Vous avez vaincu la glu de la route qui impose à l’homme de ramper.
Il faut continuellement varier la vitesse parce que notre conscience y participe. La vitesse a dans un double sens la beauté absolue, parce qu’elle lutte.
1) contre la résistance du sol .
2) contre les pressions variées de l’atmosphère.
3) contre l’attraction du creux formé par le virage. La vitesse en ligne droite est massive, vulgaire, inconsciente. La vitesse dans le virage et après le virage est la vitesse agile, consciente.
Merveilleux drame du dérapage dans les circuits automobiles. L’automobile tend à se couper en deux.
L’alourdissement de la partie arrière qui devient boule de canon et cherche les pentes, les fossés, le centre de la terre, par peur de nouveaux dangers. Bien plutôt périr que de continuer à prendre des risques. Non !
Non ! Non ! Gloire au train avant futuriste qui, avec un dérapage ou d’un coup de volant, tire hors du fossé, la partie arrière du véhicule et la remet en ligne droite. Proche de nous, sans rails entre nous, des automobiles s’élancent, tournent sur elles-mêmes, sautent d’ici à la courbe de l’horizon, fragiles, menacées par tous les obstacles qu'on leur a préparés dans les virages. Le virage double réussi à toute vitesse est la plus haute manifestation de la vie. Victoire de notre moi sur les perfides complots de notre poids, qui veut assassiner en traître notre vitesse en la traînant dans une bouche d’immobilité.
Vitesse = éparpillement = condensation du moi.
Tout l’espace parcouru par un corps se condense en ce corps lui-même.
= amour de la terre-femme éparpillé sur le monde (luxure horizontale)
Vitesse terrestre
= automobile caressant amoureusement la route courbe blanche et féminine.
= haine de la terre (mysticisme perpendiculaire)
ascension en spirale du moi contre le Rien-Dieu
Vitesse aérienne
= Aviation , agilité purgative de l’huile de ricin.
Engrenage rapide des roues du train avec des dents surgissant du vacarme (des bruits). Les roues extraient de la terre les bruits dormant dans la matière. Sous la pression du train, les rails bondissent, glissent dans le filet vibrant, élastique de l’instant ému. Les routes parcourues par les automobiles sont des sillages de bruits globulaires et d’odeurs en spirale. Cette 100 chevaux rappelle l’antre de l’Etna.
Les routes parcourues par les automobiles et les voies de chemin de fer ont un élan ondulatoire, élastique, pour s’enrouler rapidement autour d’un poteau idéal qui naît sur point de l’horizon.
Volupté de se sentir seul dans le fond d’une limousine qui court à travers les lumières glacées et bondissantes d’une capitale nocturne : volupté spéciale de se sentir comme un corps véloce. Je suis un homme qui souvent mange à la gare entre deux trains directs. Mon regard fait la navette entre l’horloge murale et un plat fumant ; la vie angoisse-souvenir pénètre en tournant dans le coeur. Il faut nourrir sur le champ la vitesse. Il faut croire seulement dans la solidité-résistance créée par la vitesse. La force et la complexité du penseur, le raffinement des désirs et des appétits, l’insuffisance du sol, le goût du miel, du poisson, des viandes et des fruits lointains, tout impose la morale-religion de la vitesse.
La vitesse détache le globule-homme du globule-femme. La vitesse détruit l’amour, vice du coeur sédentaire, triste coagulation, artériosclérose de l’humanité-sang. La vitesse agile précipite la circulation ferroviaire automobile du monde.
Seule la vitesse peut tuer le vénéneux clair de lune, nostalgique, sentimental, pacifiste et neutre.
Italiens, soyez rapides et vous serez forts, optimistes, invincibles, immortels.
À cette éloge de la vitesse, cette mise en danger de la dolce vita, adoptée consciemment ou pas mais sûrement par notre société occidentale, une voix ultramontaine, s’élève. Elle ne répond pas directement à Marinetti, client satisfait d’un wagon restaurant, d’un buffet de la gare, mais s’insurge contre la disparition d’un plat fumant au profit d’un sandwich industriel, d’une perte du goût du miel, des poissons et des viandes. Si le mouvement commence par la table, rien n’empêche de le prolonger vers d’autres univers…
MANIFESTE DE L'ASSOCIATION SLOW FOOD
MOUVEMENT INTERNATIONAL POUR LA SAUVEGARDE
ET LE DROIT AU PLAISIR.
Notre siècle est né et a grandi sous le signe de la civilisation industrielle, qui a d’abord, inventé la machine pour en faire ensuite son modèle de vie.
La vitesse est devenue notre prison et nous sommes tous atteints du même virus : la “Fast Life” qui bouleverse nos habitudes, nous poursuit jusque dans nos foyers, nous conduisant à nous nourrir de “Fast-Food”.
Toutefois, l’homo sapiens se doit de recouvrer la sagesse et se libérer du carcan de la vitesse s’il ne veut pas devenir une espèce en voie de disparition.
Aussi contre la folie universelle de la “Fast-Life” prenons la défense du plaisir de vivre.
Contre ceux, et ils sont légions, qui confondent efficacité et frénésie, nous proposons ce vaccin : jouir sûrement, lentement, pleinement, et sans excès, des plaisirs des sens.
Afin de lutter contre l’avilissement du “Fast-Food”, commençons par la table avec le “Slow Food” et redécouvrons la richesse et les saveurs de la cuisine traditionnelle.
Au problème que pose la “Fast-Life” qui, au nom de la productivité, a profondément modifié notre mode de vie et menace l’environnement, le “Slow- Food” apporte une solution d’avant-garde.
C’est dans le respect du goût et non dans son appauvrissement que réside la véritable culture d’où peut surgir le progrès avec notamment les échanges, sur le plan international, des projets, et dans le domaine des connaissances et de l’histoire.
Le "Slow-Food" assure un avenir. Meilleur .
Le "Slow-Food" est un concept qui a besoin de soutiens nombreux et qualifiés, afin de faire de ce (lent) mouvement, dont l' escargot est le symbole, un mouvement de dimension internationale.
Pour emprunter cette nouvelle voie il semble intéressant de marquer une pose, de se laisser du temps pour voir où l’on se situe, après tout rien ne nous impose de changer de projet de vie, comment intégrer la chose, l’adapter à notre environnement, à notre moi.
Au sujet de l’art, d’un Slow Art, d’autres avant moi se posèrent la question….
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