La laideur du pays de Caux
A la mort d'Orfeo, un besoin d'écrire pour évacuer une certaine culpabilité. Un texte sur le pays de Caux, une région dont la superbe disparaît tous les jours sous les coups de butoir des tempêtes, de consanguinité, de l'alcool et la pauvreté : Mon naufrage en pays de Caux résulte de la plus grosse tempête de ma vie : le décès de Catherine, mon épouse.
Si la région est belle, elle concentre aussi un nombre considérable d’individus vivant dans une misère pécuniaire, culturelle et sexuelle. Les gosses sont trop amochés pour ne pas être le fruit d’une consanguinité, d’un abus d’alcool, d’un coït anamoureux.
La laideur colle à la peau, aux murs, aux écrans. Les yeux n’en peuvent plus, jamais la beauté ne vient leur offrir quelques instants de repos. Le décollement de rétine guette à chaque instant ces gens s’entassant dans des immeubles sinistres, des lotissements sociaux aux maisons de briques rouges dont le charme s’évanouit dès la pose sur le mortier.
L’éloge de la laideur amuse sûrement le philosophe anti-platonicien, permet au parolier de faire un jeu de mots facile, anime les soirées des bobos, ou coule encore du sang de pèquenauds, mais elle reste avant tout un mépris pour les sans dents, les esquintés de la vie.
La laideur s’immisce même là où on ne l’attend pas. À Saint-Pierre Le Viger, sur la route du lin, Renan revient à l’esprit : On nous a promis Dieu et on a eu l’église de Saint-Joseph-Benoît-Cottolengo.
On aime Renoir et ses femmes bien en chair sur les boîtes de chocolats. Ses servantes et domestiques nous inspirent et nous éloignent de ces modèles anorexiques dont aucuns de nos hommes ne voudraient dans son lit. Seulement parfois, souvent, ça dérape. Pour adoucir nos journées de merde, on force un peu trop sur le Nutella, les Shamallows, le rhum et le Coca, les chips et le Ketchup. Sur les plages de galets, la ressemblance avec les baigneuses d’Auguste ne frappe guère. On le sait, un jour il faudra y passer et envisager l’anneau gastrique. Le sujet devient récurrent à la sortie des classes, dans les rayons de l’hyper-marché, aux repas entre copines. Ça craint.
Avec les enfants on va au Mc DO, on se fait plaisir après les courses à l’hyper. On ne peut pas les priver de tout et puis ça nous permet de repousser quelques temps la promesse faite d’adopter un chien, un chat, voir les deux.
Ici, on rêve d’une vie de rêve, trop difficile à atteindre. Alors on compense, par un comportement identique à celui des hommes. On va vite en voiture, on braille, on frappe parfois, on s’en prend au monde entier. Seulement rien à faire la frustration va en s’amplifiant, accompagnée par une laideur omniprésente.
Trop beaux, les chatons, les chiots, trop chers aussi. À chaque portée on courre faire un tour à Aqualand en sortant de Noze, une enseigne hyper discount ignorée des citadins où il fait bon fouiner dans le bordel ambiant, découvrir des produits made in Spain, Austria ou China à des prix dingues. Ça peut être de la bouffe, des fringues, de la lessive ou des aliments pour chiens et chats, des outils, des coques pour nos smartphones. Après tout, les Chinois, Autrichiens, ou Espagnols sont sûrement fiers, comme nous, de leurs marques aux noms difficilement prononçables. Parfois on ne sait pas trop
Trop beaux donc ces animaux en passe de devenir un membre de la famille, de rendre jalouse la meilleur copine, de s’attirer des réflexions sur notre manque de jugeote, s’ls savaient comme on s’en fout. On s’endettera, le quatre fois sans frais c’est justement fait pour les chiens, on se privera mais le prochain Persan Chinchilla, Rag Doll ou Sacré de Birmanie il est pour moi et les mômes. Mon homme lui, il voudrait un Main Coon. Son critère : la force, la taille, la frime, c’est niet.
Reste à lui trouver un nom, pas trop nunuche, pas trop précieux et pas déjà entendu ici rt là, pas simple.
C'est du vécu, pas folichon.
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