E-Codex seconde partie (1ère partie le 8/03/04)

Cette relative impuissance des mots dans certaines circonstances est soulignée plus pesamment par Marsile Ficin : « Il est vain de faire l'éloge d'une jeune fille à un adolescent et de la lui décrire, pour l'inciter à l'amour, quand on peut offrir à ses yeux la forme même de la belle personne. Désigne la beauté et tu n'as plus besoin de paroles. On ne saurait dire en effet combien la vue de la beauté inspire plus aisément et plus violemment l'amour que l'évocation par les mots. » Le talent ne fera rien à l’affaire, la littérature a ses limites, dont acte. Et Léonard de répondre en écho à cet aveu « si le peintre veut voir des beautés capables de lui inspirer de l’amour il est capable de les engendrer », dont acte de nouveau. L’image possède une force que le texte n’a pas, mais l’inverse est vrai aussi et à titre d’exemple nous pouvons continuer avec l’auteur de la Joconde. Avant Vésale il se penche sur la conception d’un ouvrage d’anatomie du corps humain, et ses problèmes d’écritures. Il faut bien comprendre, quitte à être lourd, qu’il ne s’agit pas d’illustrer un ouvrage, comme le fit Botticelli pour La Divine Comédie, mais de créer une « nouvelle écriture » où texte et image ne font qu’un. Les guillemets s’imposent evidemment, au regard et souvenir du travail des enlumineurs du couvent san Marco de Florence que Léonard fréquente. Il est donc hors de question dans l’esprit du maître que l’un fut la béquille de l’autre. Il va même plus loin : « Les principes de la peinture, à savoir le dessin, permettent à l’architecte de rendre sa construction agréable à voir, ou encore aux auteurs de vases, ou aux orfèvres, auteurs de tissus de broderie ; elle a inventé les modèles de lettres qui servent à l’expression par le langage, a fourni leurs signes aux mathématiciens, enseigné l’art des figures aux géomètres, et instruit auteurs de perspective, astrologues, inventeurs de machines et ingénieurs. » Ce que l’on peut résumer par « Donc il est nécessaire de figurer en même temps que de décrire » Sans trahir la pensée du maître, nous pouvons interpréter cette réflexion comme un appel au décloisonnement des arts et des techniques puisque tous sont peu ou prou fils ou filles du dessin.
En forçant le trait, la musique n’est pas exclue quand on connaît sa filliation pythagoricienne avec les chiffres et les nombres, et avec la portée.
J’entends déjà les auteurs de BD se frotter les mains  Ils ont raison car ils seront, s’ils le veulent bien, sans conteste les principaux acteurs de cette écriture numérique sur laquelle nous nous pencherons un autre jour, avec eux si possible.
Pour parvenir au but fixé, il semble que le Vinci ne pouvait s’appuyer sur les technologies de son époque : la presse de Gutenberg et la xylographie (gravure sur bois). Le court passage que nous avons choisi tend à confirmer notre hypothèse « Pour imprimer cet ouvrage. Enduis une plaque de fer de céruse à l’œuf puis écris à l’envers en griffant ce fond. Cela fait, recouvre la tout de vernis, c’est à dire vernis et jaune ou minium ; une fois sec met à tremper, et quand le fond des lettres sur céruse à l’œuf sera fondu, il partira en même temps que le minium, lequel parce que fragile, s’émiettera et laissera les lettres accrochées au cuivre. Ensuite creuse toi-même ce fond et il te restera les lettres en relief et le champ du fond. Mêler aussi au minium de la colle et l’utiliser comme je l’ai dit plus haut, de sorte qu’il s’émiettera plus facilement. Et pour qu’on voie mieux les lettres, colore la plaque avec de la fumée de soufre qui s’incorpore au cuivre ». Pour l’anecdote, ce procédé sera repris 3 siècles plus tard par le peintre et graveur William Blake.

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