De quoi l'opéra est-il la forme ?

La question vaut un bouquin en entier, et ce n'est pas le lieu. Elle me vient à l'esprit après avoir récupérer à la médiathèque l'Euridice de Giulio Caccini.
Mes recherches pour Léonard et Michel-Ange me conduisent souvent vers la musique et ses compositeurs.
Pour l'opéra, l'œuvre, ils sont deux : l'écrivain, le musicien. Parmi eux j'ai été amené à croiser Ange Politien, précepteur du dernier mécène italien de Léonard, plume officielle des Médicis, amant de Pic de la Mirandole, poète mort empoisonné sur ordre de Pierre le gouteux (un Médicis).
En exile à Mantoue il compose une Favola di Orfeo en 1471 ou 1480. Aujourd'hui on n'a pas de trace de la musique, donc on fait à la manière des compositeurs contemporains .
Une vingtaine d'années après cet évènement, les musicologues estiment que nous sommes en présence d'une première tentative d'écriture d'un opéra qui ne porte pas encore ce nom, Léonard, pour Charles d'Amboise, tente de mettre en scène ce divertissement. En 1508 le maître de la Joconde est hébergé chez les Bardi avec le sculpteur Rusticci qui travaille sur un groupe statuaire pour le Baptistère. Le palais existe encore à Florence de nos jours et accueille depuis 5 siècles l'élite artistique et intellectuelle florentine. Là dans le dernier quart du 16ème siècle Caccini fait partie du cénacle et devise sur l'avenir de l'écriture musicale, avec Cavalieri. Le nom de ce dernier résonne surtout à nos oreilles grâce aux poèmes d'amour écrit par Michel-Ange à son père. En 1600 le compositeur peut admirer les traits de celui-ci dans la chapelle Sixtine et donner en représentation une pièce musicale avec une basse continue et un chœur. Un pas supplémentaire vers notre opéra, suivi par deux autres compositeurs, notre Caccini et Ottavio Rinuccini. Ils composent ensemble, avec le libretiste Chiabrera, une œuvre pour commémorer le mariage de Marie de Médicis avec Henry 4. Jouée dans la grande salle du Palazzo Vecchio, décorée pour un temps par Léonard et Michel-Ange, cet Orféo se transforme en Euridice car il est hors de question d'une fin tragique pour un tel évènement.
Avant d'être art total sour la baguette et la plume de Wagner, ces favolas, prémices de l'opéra de Montéverdi, sont la continuité d'un mythe celui d'Orphée, symbole d'une écriture où musique textes et chants ne font qu'un.
Pourquoi Orphée subjugue-t-il tous les artistes quelque soit leur médium (je pense au cinéma) ?
L'histoire est la réponse. Orphée, musicien et poète fait voler en éclat les barrières de la création, il est le défi par excellence, le seul qui faillit triompher de la mort. Avec lui l'artiste est tenu à l'impossible.
Alors quand j'écris sur la période milanaise de Léonard, je ne peux faire autrement, car la technologie me le permet, de restituer, en partie, par les mots, les images et la musique cette œuvre fondamentale (dans une moindre mesure toute biographie d'un musicien devrait aujourd'hui être écrite avec la musique qu'il a composée, c'est la moindre des choses. Le papier est mort, mais pas les droits d'auteurs qui nous l'interdise (imaginez la bio de Led Zepplin par exemple avec juste 30 secondes d'extraits, frustration.))
Alors de quoi l'opéra est-il la forme ? De la modernité et de la continuité ! De l'hommage et du pied de nez!
Et des artistes, un jour, bientôt, nous offrirons une nouvelle écriture du Mythe sur nos ardoises de lecture ou nos tablettes Ipod etc.. Le défi un jour sera relevé.

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